Galerie Louis Gendre

La maison et l’atelier sont bâtis à même la roche, lieu tellurique et énergétique. Une pièce blanchie à la chaux, une feuille blanche de papier Arches et c’est là que se construit, dans l’instant, ce qui n’a même jamais été conçu mentalement une fraction de seconde avant.

Initié par Ung-No Lee, l’un des plus grands maîtres de la calligraphie et de la peinture coréennes,  Jean-Christophe De Clercq pratique depuis de longues années, un art gestuel pur dont il ne serait peut-être pas l’auteur mais seulement le vecteur. L’effacement de sa personne au profit de l’expression des médiums et de l’outil qui portent en germe et prédéterminent la morphologie à venir. La figure se déduit de l’interaction entre le medium, le crayon graphite, la brosse parfaitement nettoyée, de la façon dont le pinceau vient s’épuiser et se recharger sur le papier.

Des gestes uniques et précis, reflets de sa règle monacale et du spirituel dans son art, donnent naissance à des figures autonomes, ni figuratives, ni narratives mais dont on perçoit bien qu’elles ne nous sont pas tout à fait étrangères, sans être toutefois ancrées dans le réel. On est surpris de voir combien la maîtrise de son art lui permet autant d’ouvertures alors que tout lui est si limité. La pratique est signe de sa propre présence et devient œuvre. Elle prend sa source dans le déterminisme des moyens mis en œuvre et dans la posture intérieure décisive de l’artiste. La vacuité de l’esprit est la condition de l’existence de la figure qui tend vers la plénitude. L’individu n’existe plus pour qu’émerge, lors d’une phase de transition sur le papier, un objet pictural dont la densité s’impose à celui qui le regarde. Ce qui nous intéresse, c’est le résultat de la pratique sans cesse répétée, d’une production toujours unique, figée dans le temps et l’espace. Le geste ne se répète pas, il se l’interdit, mais il est toujours plus juste. De ce fait les formes ne se reproduisent jamais car, dit-il, « je n’exprime rien ». Les figures sont indicielles d’une posture mais ne signifient pas. La difficulté est là, celles-ci peuvent provoquer un signe qui doit s’affranchir du référant, ceci n’a pas valeur de représentation. Ces figures ne sont pas des formes mais des flux, des énergies, mis en scènes par un artiste atypique et une pratique acétique dans un monde de bruit.

L’ambiance de l’atelier baigne d’ailleurs dans un autre flux énergétique et méditatif. Des sons enregistrés raisonnent et semblent provenir de la surface du papier et se propager dans la pièce. Cette musique atonale, de l’ordre du flux ne permet pas la construction d’image mentale, mais elle est aussi une autre expression du vivant qui s’affranchie.